Portrait

Hubert Poe

Article écrit par Edward Sanger

On parle beaucoup du parcours des artistes drag, mais peu de celles et ceux qui travaillent dans l’ombre, notamment les couturiers afin de confectionner des tenues flamboyantes. C’est ainsi qu’il me fait plaisir de mettre en lumière l’incroyable Hubert Poe dont la feuille de route est enviable.

On peut retrouver deux types de couturier : ceux comme les drags Lulu Shade, Peach ou Ciatha Night qui fabriquent par eux-mêmes leurs propres vêtements ou encore, des designers aux concepts loufoques tels que Evan Clayton, Luc Couture ou Gianna Costa

Hubert Poe gravite dans les arts depuis qu’il a l’âge de 5 ans. Originaire de Beauce, son parcours académique s’est centré sur sa passion. Il a commencé par un double DEC en arts visuels et en sciences naturelles au Cégep de Saint-Laurent. Ensuite, il a poursuivi en design industriel à l’Université de Montréal avant d’entreprendre une technique en design de mode au Collège Lasalle pour finalement faire un baccalauréat en mode à l’UQÀM.

Cela lui a permis de faire une session à Genève, en Suisse, ainsi qu’un stage en mode masculine à Berlin pour explorer d’autres horizons. 

Malgré son cheminement scolaire, sa conception de la mode ne cadrait pas dans le moule imposé par la société qui est plus axé sur le commerce et l’argent, mais moins sur la créativité. Il a donc fait un détour pour travailler sur les costumes de drag afin de laisser libre cours à son imagination. Cela s’est révélé gagnant. 

« La mode n’est pas ce que je recherchais en tant qu’artiste. Je voulais sortir hors des sentiers pour mettre en valeur la non-binarité vestimentaire et n’avoir aucune limite à ma création. »

S’inspirant de plusieurs personnalités du drag et de la mode, Hubert Poe s’est beaucoup inspiré du travail de Diego Montoya (designer de drag), Landon Cider (Dragula saison 3), Violet Chachki (RuPaul’s Drag Race saison 7) et de Sacha Velour (RuPaul’s Drag Race saison 9). 

Mais sa principale muse est et restera toujours sa belle amie Pétula Claque, une drag-queen montréalaise qui coanime la série d’estime personnelle La drag en moi, attendue dès le 12 avril sur Canal vie. C’est par leur amitié puissante et le personnage comique de Pétula Claque que Hubert s’est spécialisé dans le mixage de la mode et de l’humour camp pour mélanger le sérieux et la rigolade. 

Polyvalence au-delà des frontières

Mise à part la mode, Hubert Poe ne se limite pas à une seule flèche dans son carquois. Il a travaillé sur des plateaux de tournage comme assistant costumier, notamment sur la série The Lottery, produite par Warner Bros, en 2014. 

En 2018, il se lance en tant que professionnel du costume en présentant ses créations à l’événement RAW Montréalau Rialto Theatre. C’est ce qui l’amènera par la suite à concevoir des créations pour plusieurs participantes de Canada’s Drag Race et Canada’s Drag Race vs The World. Il assiste également son partenaire photographe, Jean-Sébastien Senécal, dans des séances photos de drag à titre de styliste et directeur artistique. 

Pour les drags, il a créé des tenues pour Rita Baga, Suki Doll, Adriana, Gia Metric ainsi que Gisèle Lullaby (pour qui il a notamment créé le costume d’inspiration Picasso qu’elle a portée lors de la 3e saison de Canada’s Drag Race) et Lady Boom Boom (son look d’entrée lors du 1er épisode de la même saison que sa consœur) [voir photos ci-haut].

Mais, sa plus grande création a été un costume mécanisé qui a demandé plus de 250 heures de travail et 4 personnes pour la créer. Cette dernière œuvre reste toutefois encore dans l’ombre. 

Fait intéressant, ses créations ont aussi été exposées à l’international dans un court métrage intitulé CREATURA réalisé par la troupe de danse Forward Movements. C’est grâce à ce projet que notre artiste a confectionné les costumes pour mettre en scène 8 danseurs de rue pour raconter l’histoire et la progression d’une créature. 

L’équipe a été nommée aux 2023 ARFF Amsterdam International Awards. Elle a aussi été finaliste aux 2023 Canadian & International Short Film Fest et elle a remporté le prix de « Best Dance Film » de l’année 2022 au Fashion Film Festival à Los Angeles.

Et la liste se rallonge avec d’autres nominations telles que « Best Music and Sance Short Film » au Short to the Point, International short film festival, unesélection officielle au Short Film Factory festival etsélection officielle au Around International Film Festival de Barcelone.

Bref, c’est par la naissance de sa passion pour les vêtements et sa créativité sans limite qu’Hubert Poe est un artiste québécois qui se démarque dans cet univers très sélectif. Ouvrant ses horizons pour montrer les multiples possibilités qu’offre un vêtement, il ne s’arrête pas qu’à une simple vision d’un bout de tissu. Il permet d’en faire une œuvre d’art.

« Dans ce monde, l’aspect professionnel est très important. Mais il ne faut jamais avoir peur d’essayer des nouveautés pour se démarquer, autant du laid que du beau. »

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