Le mois de décembre marquait les six premiers mois d’existence de mon blogue. Pour l’occasion, j’ai eu envie de revenir sur les différentes entrevues que j’ai eu la chance de faire. Parmi les vingt-sept personnes qui, à ce moment avait pris part à mon blogue, un s’est davantage démarqué par la pertinence de ses propos qui allaient bien au-delà des raisons pour lesquelles je le rencontrais. On sentait à travers ses mots la sagesse d’un homme particulièrement inspirant. J’ai eu envie de partager avec vous ce qui m’avait tant frappé de cet individu. Il s’agit de Pascal Guilbault. Pascal avait pris part à mon tout premier dossier consacré à la retraite chez les drag-queens. Vous aurez donc compris que Pascal s’est retiré de la scène. Néanmoins, il n’en demeure pas totalement à l’écart. Après une carrière qui s’est échelonnée sur près d’une décennie jusqu’à la fin des années 1990, Pascal a pris la décision de se retirer afin de se consacrer à sa carrière. Parallèlement à sa vie de drag-queen, Pascal complétait des études en conception scénique au cégep. C’est d’ailleurs ce qui lui a ouvert la voie après son incursion dans le monde de la drag. Il a notamment pu travailler pour le prestigieux Cirque du Soleil. Son étroitesse avec le milieu de la drag-queen se traduit entre autre par la conception de costumes pour certaines drag-queens ou encore comme juge au concours dédié à la relève organisé par le bar Le Cocktail à chaque hiver depuis quelques années, c’est-à-dire Miss Cocktail. À votre tour de le découvrir grâce à cette première entrevue exclusive hors-série.
- Quel apprentissage conserves-tu de ton passage comme drag-queen?
Je te dirais, la débrouillardise. Arriver à faire beaucoup avec peu de choses. Être versatile d’une certaine façon. Je viens d’une école où il fallait apprendre à tout faire par soi-même: ses costumes, ses chorégraphies, ses coiffures, son maquillage. Bref, arriver à confectionner nos propres choses. Je ne dis pas nécessairement être bon dans tout, mais arriver à être multifonctionnel. Quand je travaillais au cirque [du Soleil], c’est ce qui m’a servi. On pouvait me placer n’importe où.
- Quelle différence constates-tu entre ton époque et maintenant?
J’ai l’impression que les artistes investissent moins de nos jours. Il faut dire que le salaire n’a pas augmenté depuis les quinze dernières années. Le milieu de la drag-queen est un regroupement, mais on dirait que lorsque vient le temps de se tenir pour faire face à de telles situations, elles sont seules. Je me souviens qu’on s’est déjà battu dans mon temps pour arriver à avoir ce qu’on voulait. Malgré tout, il y en a qui arrive à s’imposer par leur choix artistique, leur look ou encore, qu’ils ont simplement un talent naturel. Un vrai artiste va arriver à faire n’importe quoi car il excelle dans tout, il est expressif, il est théâtral. Bref, il se donne.
- Quel conseil donnerais-tu à quelqu’un qui commence dans le métier?
Je lui dirais de ne pas attendre après les autres, de faire tes choses. C’est un milieu artistique, c’est un milieu de drag, alors oui, c’est sur qu’il va y avoir de la jalousie. Mais il faut rester concentrer sur ses propres affaires et ne pas trop se mêler du reste. Si tu as du talent, tu n’as pas à te soucier du reste, des superficialités.
- Penses-tu qu’il y autant d’ouverture qu’on le prétend?
C’est sûr qu’il y a encore du travail à faire. Il y a des gens comme Mado et Michel Dorion qui ont ouvert la voie. Avec les années, on a collaboré à différents projets comme des téléthons, on a fait de la figuration etc. Il n’en demeure pas moins qu’on se sert de nous comme des clowns. Lorsqu’on faisait de la figuration, on nous utilisait souvent pour des rôles de prostituée. Je pense aux rôles qu’on a eu dans la série Lance & compte qui est regardé par 2 millions de personnes en moyenne dans laquelle on jouait ce genre de rôle. Ça n’aide pas à changer les mentalités, au contraire, cela nourrit le stéréotype et l’image fausse qu’on se fait de nous. Je crois que c’est encore comme ça pour certaines personnes. Je crois que la seule qui arrive à tirer son épingle du jeu, c’est Mado, qui est davantage associée au monde de l’humour avec sa participation à Juste pour rire depuis quelques années et avec son one-woman-show. Cet engouement vers cet art de la scène a permis une ouverture, certes, mais qui demeure rattachée à l’humour. Pour le reste, j’ai l’impression qu’il y a du chemin à faire comme il y en pour les gais en général. Je crois que c’est aussi par ignorance des origines de cette industrie.