On pourrait croire à tort que ceux et celles qui pratiquent le métier de drag-queen le font à temps plein. Bien au contraire, ces hommes et ses femmes mènent deux vies en parallèle, leur vie de jour et leur vie de nuit. Certains occupent un emploi à temps plein, d’autres sont aux études et dans certains cas, ils font les deux. Être drag-queen se révèle davantage être une passion qu’un emploi. Bien entendu, elles sont rémunérées, mais le salaire qu’elles font est loin d’équivaloir l’investissement qu’elles font en temps, argent et énergie. Cela vient appuyer l’idée selon laquelle elles le font par véritable passion. Cet aspect de leur vie s’avère être un peu comme un travail de pigiste alors qu’elles doivent d’elle-même gérer leur emploi du temps. Tout dépendant dans quel milieu de travail elles évoluent, il n’est pas toujours facile de pallier tous ses horaires. C’est alors que se présentent les contraintes et les choix auxquels elles se heurtent. À l’instar de quelques drag-queens à Montréal telles que Mado Lamotte, Michel Dorion, Kiara ou encore Rainbow, aucune de nos jours n’aspire à faire de cela une carrière à part entière. Ainsi, dans leurs choix, elles doivent valider avec elle-même ce qu’elles comptent mettre de l’avant : leur vie de jour ou leur vie de nuit. Certaines drag-queens ont accepté de se prononcer sur la question. Découvrez comment Barbada, enseignante au primaire, Peach, inhalothérapeute, Kitana, business operator manager chez Old Navy ainsi que Penélopé, coordonateur administratif logistique chez Holt Renfew, gèrent la cohabitation de cette double vie.
Parmi les intervenantes pour cet article, il s’est adonné qu’elles occupaient toutes un emploi dont l’horaire était variable de l’une à l’autre. Parmi celles-ci, seule Barbada a restreint des horaires de travail à trois à trois jours par semaine qui sont réparties pour l’enseignement, le syndicat et la suppléance afin d’avoir plus de temps pour sa carrière de nuit. Elle peut ainsi se permettre davantage de projets en tant que drag-queen, mais également comme DJ. Barbada a la chance d’être reconnue par ses pairs un peu partout à Montréal et Québec. Elle performe autant au Cabaret Mado qu’au Cocktail à Montréal, elle anime au bar Le Drague de Québec, elle est DJ occasionnel au Unity en plus de faire des contrats privés en tant que drag-queen ou DJ. Elle anime également des matchs d’improvisation au Cabaret Mado avec la Gailaxie, certaines levées de fonds et des soirées spéciales avec sa consoeur Kitana dans le cadre d’une soirée délirante nommées Top or bottom. Barbada est une personne très intense qui s’implique ardemment dans ses projets. Cela va de soit pour elle de se consacrer autant dans sa carrière de drag-queen. Je crois que si l’on prenait de temps de demander à ses camarades de travail, on saluerait sa grande implication. Cette grande implication lui a permis de se forger une notoriété enviable dans le milieu tout comme auprès du public. Comme Barbada n’occupe pas un poste à temps plein là où elle travaille, elle ne tient pas à ce qu’on sache ce qu’elle fait à l’extérieur du travail.
Peach est sans doute celle qui avait le portrait le plus intéressant sur cette question. En effet, Peach a un horaire rotatif qui la fait travailler autant de jour, de soir que de nuit. Céduler ses contrats est sans contredit tout un casse-tête puisqu’elle ne connaît son horaire pour me mois à venir seulement une semaine avant celui-ci. Cela veut dire que si elle a déjà un contrat à son horaire, elle est contrainte de changer son horaire. Toutefois, cet horaire atypique lui permet de bien récupérer comparativement à d’autres qui ont un horaire plus régulier. Elle a la chance de compter sur des collègues de travail très compréhensifs. Ce ne sont pas tous les employés du centre hospitalier où elle travaille qui sont au courant qu’elle est de drag-queen. Elle ne tient pas à ce que cet aspect de sa vie vienne interférer sur le rapport qu’on peut avoir avec son travail lors de ses moins bonnes journées par exemple. Elle tient à faire la part des choses. Ce sont davantage ses collègues inhalothérapeutes qui le savent, notamment pour les raisons évoquées précédemment sur ses contraintes d’horaire. Peach est une autre de ces drag-queens dont la passion du métier l’habite continuellement. Peach conçoit des costumes, tant pour elle que pour ses collègues. Elle produit actuellement un spectacle hommage aux Spice girls qui sera présenté le jeudi 23 juin prochain. Ce spectacle-événement représente une part de travail considérable qui lui demande beaucoup de temps puisqu’elle gère les moindres détails.
De son côté, Kitana a été pendant plusieurs années gérant du Priape, un lieu emblématique du village. L’institution a supporté lors de plusieurs occasions des productions au Cabaret Mado. Cette proximité entre les deux endroits encourageait Kitana a accepté divers contrats. Depuis qu’elle travaille chez Old Navy, qui est plus éloigné du Cabaret Mado et de son lieu de résidence, elle est contrainte de réorienter ses choix de contrats. Elle est devenue plus sélective puisqu’elle ne peut plus s’en permettre autant. De plus, son horaire est très variable. Parfois, elle doit se lever très tôt et n’est plus en âge de récupérer aussi rapidement qu’au paravent. Kitana est arrivé à trouver un équilibre dans sa vie. Néanmoins, pour cet hiver, Kitana est toujours à la barre des lundis RuPaul’s drag race sur écran géant au Cabaret Mado et prend part à un week-end par mois au même endroit. L’un des gros sacrifices qu’elle a dû faire est notamment sa participation aux mardis à Mado qu’elle ne peut plus faire aussi souvent.
Notre dernier intervenant, Pénélope, de son côté, occupe un emploi à temps à horaire fixe plein du lundi au vendredi. La compagnie emploi plusieurs personnes de la communauté LGBT. Elle est donc très ouverte. C’est un facteur qui l’a mis en confiance. Ce n’est toutefois pas tout le personnel qui est courant de ce qu’il fait. Il garde en tête ce que cela peut représenter dans la balance lorsque vient le temps de demander une promotion par exemple. Le fait qu’elle soit drag-queen n’est pas un secret pour ses collègues. Pénelopé a animé durant près d’un an aux côtés de Gerry Cyr le Grand show au bar Le Cocktail, mais cette stabilité impliquant une assiduité jusqu’à six jour semaines s’est révélés à ses dépens comme étant très demandant. Il d’ailleurs rendu compte que l’accent avait beaucoup été mis sur sa carrière de drag-queen. Tout comme sa sœur de drag Kitana, il en est venu à réévalué ses priorités afin d’être plus efficace dans la coordination de toutes les sphères de sa vie. Il peut ainsi se permettre d’être à 100% dans tout ce dont il s’implique.
Bref, il va de soi que dans tous les cas, il faut démontrer un sens de l’organisation incroyable. Ces quatre intervenantes ne sont qu’un bref aperçu, mais chaque drag-queen a un train de vie qui lui est propre. Chaque scénario est donc unique à chacun. L’objectif était notamment d’illustrer le fait qu’on n’a malheureusement tendance à oublier tout ce que ce travail peut demander comme implication. À la différence d’autres artistes de la scène, les drag-queens ne sont pas en mesure d’en vivre. La plupart le font comme une véritable passion tant que cela peut s’articuler à leur emploi du temps. Elles finiront dans la plupart des cas. à laisser leur carrière scénique de côté afin de mettre de l’avant leur véritable carrière professionnelle. Le personnage qu’elles ont bâti au fil du temps ne meurt jamais vraiment. Je vous invite d’ailleurs à lire mon premier dossier du mois de juillet 2015 consacré à la retraite chez les drag-queens qui s’inscrit parfaitement dans la continuité de cet article.