Dans le cadre du renouveau de mes entrevues, j’ai voulu développer un sujet que j’avais déjà effleurer dans une précédente entrevue avec l’artiste Rosie Bourgeoisie. Le sujet demeure tabou, mais je considère qu’il est essentiel de l’aborder, surtout dans un milieu culturel aussi effervescent que celui de Montréal. De nos jours, plusieurs individus ne s’identifient plus à une identité de genre défini par être un homme ou une femme. Iels se qualifient de non binaire. Après avoir débuté comme artiste burlesque et suite à des rencontres marquantes au sein du milieu queer, Rosie a ouvert la voie à son alter ego au-delà du milieu duquel iel est né. Rosie ne révélait désormais plus que de l’univers burlesque, mais iel appartenait maintenant à ce dont iel voulait. Cette conception surpassait largement le cadre professionnel qui a fini par faire écho au passé de Rosie et ainsi s’imposer comme un mode de vie. Cela fait parti intégrante de ce qu’iel est. Après être tombé sur l’article d‘Alexis dans le Journal de Montréal l’été dernier, j’ai voulu rencontrer ces deux individus pour en discuter tout en conservant dans l’approche de l’article l’influence scénique que cela permet chez Rosie.
En effet, pour Rosie, c’est l’occasion de mettre en symbiose tous ses univers. Les facettes de son alter ego lui ont permis de définir son identité… Non genrée. Le milieu underground est particulièrement propice à cette réalité et aura permis à Rosie de propulser son personnage vers de nouvelles avenues. Ce qui est à retenir de prime abord est que ce n’est pas le sexe avec lequel on naît qui nous défini. À l’instar du questionnement sur notre identité sexuelle, comme il s’agit d’un phénomène particulièrement nouveau duquel on ne parle que très peu, la non binarité ne germe pas naturellement. Il faut être confronté à ce vocabulaire avant de véritablement se rendre compte que cela n’est peut-être pas si loin de soi finalement. C’est ce qui est arrivé avec Alexis après qu’iel est fréquenté des environnements féministes et queer.
Au-delà de la scène, il faut rappeler qu’il est question d’un mode de vie. La société n’est pas nécessairement prête à accepter cette différence. Rosie justifie son apparence en public davantage féminine comme une protection face à cette société. Cela provoque nécessairement un sentiment d’insécurité. Il faut prendre la société au sens large et ne pas exclure du lot le milieu culturel. Même si Rosie le côtoie au quotidien, il n’en demeure pas moins que certains ne tolèrent pas ce choix de vie. Comparativement à Alexis, dont le physique lui permet d’arborer un look plus androgyne, Rosie est réprimé par son physique voluptueux. De ce fait, la société se freine à reconnaître sa non binarité puisqu’on impose le message que quelqu’un qui possède une poitrine et qui a des courbes est nécessairement une femme.
Il s’agit d’un cheminement avant d’en arriver à se déclarer non binaire. C’est quelque chose qui se vit de l’intérieur. Les psychologues ne s’entendent pas tous sur le sujet. Il est difficile de faire rejaillir au-delà de soi quelque chose qui relève d’un sentiment viscéral vers quelque chose de tangible qui encore une fois, devra plaire à la société et ses standards. Les étiquettes sociales se traduisent au final comme une armure, une forme de protection que l’on doit avoir pour faire face à la société. Être non binaire déconstruit ce que la société à cherché à construire se révélant imputable au reste. Le travail est lourd pour les êtres non binaires.
Après des années de questionnements, Rosie a vu dans le burlesque une occasion de reconnecter avec sa féminité après l’avoir rejeté du revers de la main dans son jeune âge. Même s’il s’agit d’un art érotisant le corps de la femme, Rosie s’en est servi comme un tremplin vers ce dont on connaît désormais de son personnage. Même si dans sa vie de les jours le combat n’est pas gagné, Rosie jouit d’une liberté sur scène qui lui permet d’être en contact avec iel-même sans crainte. De son côté, Alexis voit à travers ce mode de vie une dimension politique dû aux enjeux qu’il impose sans toutefois en faire un sujet politique. Le sujet implique une panoplie de sous-questions qu’il est difficile de traiter en un seul article. J’espère toutefois qu’il vous aura du moins permis de comprendre un peu mieux la non binarité et de vous attacher à ce qu’il offre comme perspective artistique dans le cas de Rosie Bourgeoisie.