L’art du drag est reconnu comme étant un amalgame de plusieurs formes d’art. Sans doute l’une de celle qu’on peut lui reconnaître d’emblée est l’humour. Lorsqu’on va voir un spectacle de drag, on s’attend normalement à rire un minimum. J’avais déjà abordé la question de l’humour drag dans un précédent article avec l’une des reines en la matière, Kitana. Or, ici, il sera question de la première d’une série d’entrevues sur l’humour drag mais, vu par des humoristes. Pour lancer cette série, je me suis entretenue avec Thomas Leblanc. Thomas n’est pas étranger à l’art du drag puisqu’il lui y est arrivé de collaborer avec différentes drags à l’occasion de certains de ses projets dont Provocante comédie club, présenté au Cabaret Mado, aux côtés de Mona de Grenoble, Petit cuir : hommage queer à Éric Lapointe dans le cadre du Zoofest ou encore Sainte-Céline, qui mise sur la force de Crystal Slippers. Je vous invite à découvrir le compte-rendu de notre entretien et de mieux comprendre l’apport que lui procure la présence de drags dans ses productions.
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Il faut établir d’emblée ce qui anime Thomas à l’idée de travailler avec des acteurs de la communauté drag. D’abord, Thomas apprécie l’art du drag sous toutes ses formes. Il aime travailler avec les drags notamment pour leur côté mordant, décadent et irrévérencieux. En tant que producteur, Thomas aime déconstruire les univers de la culture pop qu’il met en scène en proposant des carrefours bilingues entre le cabaret, la musique, le stand-up et l’art du drag. On extirpe de ses projets un maximum de plaisir lorsqu’on arrive à saisir toutes les nuances du 2ème degré. Comme chaque projet s’est opéré sur des motifs variés, chacun de ceux-ci seront présenté indépendamment.
Débutons avec Sainte Céline qui fut initialement lancé en 2016 avant de faire un retour en 2018, année lors de laquelle Céline Dion célébrait son 50ème anniversaire, ainsi que dans la programmation du festival Juste pour rire l’été dernier. Ce projet, Thomas le coproduit et le coanime avec sa comparse Tranna Wintour. La pièce maîtresse de ce projet est sans contredit Crystal. Grâce à ses multiples talents, elle a réussi, en puisant dans toutes les ramifications de la diva originaire de Charlemagne, à faire émerger le comique du personnage qu’elle endosse. Ce projet représentait un défi de tous les instants, considérant que son style de drag est davantage old school et ne s’inscrit donc pas nécessairement dans la personnification. Son processus immersif l’a non seulement fait s’approprier les chansons, mais également des extraits d’entrevues. La production misait sur la juxtaposition de ce qui rend Céline drôle de prime à bord, soit certains de ses looks ou encore ses contextes d’entrevues, afin de pousser l’aspect comique à un autre niveau. Ainsi, par exemple, l’un des numéros s’amuse à amalgamer le look qu’arborait Céline lors de la cérémonie des Billboard Music Awards en 2017 avec l’entrevue qu’elle a accordée à la suite du passage ravageur de l’ouragan Katrina.
La collaboration de Thomas avec Crystal ne s’est pas limitée à ce projet. Elle fut présente auprès de lui lors de plusieurs autres occasions. Nous avons pu notamment la retrouver à nouveau sous les traits de Céline lors du spectacle Petit cuir alors qu’elle a offert un duo avec Rock Bière. Ce numéro reprenait la prestation que Céline et Éric Lapointe ont offerts lors du spectacle sur les Plaines d’Abraham à l’occasion du 400ème anniversaire de la ville de Québec sur les airs de la chanson phare L’amour existe encore. Ce numéro avait un je-ne-sais-quoi qui n’était pas sans rappeler de La belle et la bête. Avec ce projet, Thomas cherchait à mettre de l’avant une vedette québécoise qui fait vibrer quelque chose de puissant chez les francophones de toutes les générations en offrant un rapprochement entre cette idole intergénérationnelle et son rapport comme icône queer à travers un relecture de ses plus grands classiques. Malgré l’aspect comique que représente d’emblée ce rapprochement, le spectacle est parmi les meilleurs exemples de second degré qu’épouse les projets de Thomas Leblanc.
L’une des autres drag-queens avec qui Thomas a beaucoup collaboré est la décapante Mona de Grenoble. En effet, le tandem a notamment collaboré lors La St-Jean des queers et dans le cadre du Provocante comédie club. Leur rencontre fortuite s’est faite lors de la participation de Mona et Prudence au Crystal palace, une soirée de drag et stand-up. Thomas est tombé sous son charme grâce à son sens de la vulgarité, son côté comique et son style plus vieillot. Le personnage de Mona vient compléter ce que Thomas défend par ses projets. Elle est une artiste qui se tient loin des références américaines en demeurant dans un giron axé sur le terroir, avec des références locales.
Il faut donc retenir qu’à travers ces différents projets, Thomas ratisse large, tant sur le plan de l’approche qu’emprunte ses projets que sur leurs lieux de diffusion. Il aime l’idée de décloisonner. Il mise sur des endroits plus alternatifs pour se produire comme l’arrondissement Hochelaga-Maisonneuve, avec entre autre le Blockhaus, des établissements du boulevard St-Laurent telles que le Wiggle room ou encore, le secteur Mile Ex. Vous aurez remarqué que les drags occupent une place importante dans ses projets car il leur reconnaît un type d’humour qui cadre dans les univers qu’il se plait à dépeindre. Je vous invite donc à restez à l’affût de ses prochains projets afin de consommer par vous même tout le plaisir qui en émane.
Je vous invite à suivre Thomas Leblanc sur Facebook et Instagram pour en savoir davantage.
Découvrez l’entrevue qu’il a mené avec Tranna Wintour avec Bob the drag-queen de RuPaul’s drag race dans le cadre de leur podcast Chosen family.
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